Galerie Tourette/

Galerie Tourette/

Interview Illustrée / Texte de Marie-Anne Bruschi

Une fille de la rive-gauche

De son enfance et de ses parents, collectionneurs, Carole Korngold a gardé le goût pour les marchands d’art. Ancienne élève en égyptologie à l’École du Louvre, elle a toujours cherché à fuir les cases où l’on aurait pu l’enfermer. C’est une des raisons, sans doute, qui l’ont poussé à arrêter son métier d’antiquaire. Déconcertée par un marché trop lissé laissant peu de place aux personnalités singulières, elle décide de passer à autre chose. En plein Covid, elle obtient les clefs de sa future galerie, Tourrette, qu’elle ouvre en septembre 2021.

« Je n’imaginais pas que cette aventure serait aussi vertigineuse. J’ai inventé mon nouveau métier sans les formules » lance-t-elle. Ce lieu, cette fille de la rive-gauche le connait depuis toujours. Cet ancien bougnat des années 30 (un bistrot et point de ravitaillement en charbon) tenu par Paul Tourette –son interview en 1964 est visible sur le site de l’INA – s’est métamorphosé en 2009 en boutique d’accessoires de mode avec Paul Smith. Le créateur anglais a su respecter les traces du passé et les sublimer. En 2018, c’est au tour de la co-fondatrice de Bonpoint, Marie France Cohen de tomber sous le charme de cette boutique de poche lorsqu’elle lance Démodé.

Ici, rien ne semble avoir bougé depuis les années 30, du sol en tomettes aux murs blancs qui tanguent. C’est précisément cette capsule temporelle que Carole a voulu transformer en nouveau cabinet d’amateur d’art contemporain. « J’ai toujours eu de l’affection pour la modestie du lieu, c’est dans la justesse de mon envie de revenir à une relation très personnelle entre l’artiste et les visiteurs. Je l’écris comme une sorte de journal intime, un lieu d’inspiration à travers différentes personnalités».

La petite taille de l’espace est une vraie contrainte dont elle sait jouer pour composer un esprit comme « à la maison. Tourrette a une haute identité, je la ressens comme une personne. J’essaie de m’éloigner de son image charmante et de faire contrepoids avec des œuvres surprenantes. Je ne veux pas tomber dans le trop gracieux ou le trop féminin et que la galerie ne soit qu’une jolie adresse. Mon ambition a toujours été ailleurs ». Photographe, peintre, sculpteur, designer…  quasiment tous les mois un artiste intervient.

Au fil des expositions, la ligne artistique s’est dessinée et se relie à la matière, telle une forme archéologique qui renvoie aux sources. « J’ai toujours été très éclectique dans mes choix d’objets. J’ai une sorte d’impératif esthétique. Avec Tourrette, j’ai pu pénétrer dans l’art contemporain sans en avoir peur. Je fais toujours un travail de passeur, mais c’est différent, aujourd’hui, j’appartiens plus à la famille des artistes que des marchands ».

Œuvres de Francesco Balzano.

TOURETTE, 70 rue de Grenelle, 75007 Paris.