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OEUF NEW YORK/ Sophie Demenge

Rencontre avec Sophie Demenge, créatrice de la marque de meubles et vêtements pour enfants Oeuf, dans sa maison de Brooklyn à New York.
Reportage illustré pour le magazine MARIE CLAIRE Enfants_septembre 2016

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Quel est votre parcours et quand avez-vous créé ŒUF avec votre mari Michael Ryan ?

J'ai grandi à Paris et je suis partie à San Francisco à l'âge de 21 ans pour intégrer une université d'art et une école de cirque, plus particulièrement de trapèze. Plus tard, j'ai déménagé à New York afin d’étudier le design industriel au Pratt Institute. J'ai rencontré Michael alors que je terminais Pratt et nous avons décidé de monter une société, sortant tout juste de l'école et n'y connaissant rien

Avez-vous tout de suite travaillé pour l'univers de l’enfant ?

Non, pas du tout. Nous adorons fabriquer des meubles tous les deux et les premiers s’adressaient aux adultes. Dans notre atelier, je travaillais également la céramique. Nous nous amusions beaucoup tout en travaillant jour et nuit !
A la naissance de notre fille, nous avons eu envie de façonner un petit nid pour elle, mais nous ne trouvions rien de bien. Il y a douze ans, le mobilier pour enfants était presque inexistant. Comme nous avions notre atelier, nous avons décidé de tout lui fabriquer, du sol au plafond : un tapis, du linge de lit, des rideaux, cinq ou six prototypes de lits, etc.

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Avez-vous rapidement commercialisé ces créations ?

Nous n'avons pas tout de suite eu l'idée d'en faire un business. Mais, très vite, les gens autour de nous ont voulu en commander. Nos amis et tous ceux de notre génération commençaient à avoir des enfants. Ils vivaient la même situation de désarroi face à ce que l'on proposait à l'époque pour l'enfant. Nous avons donc présenté une petite collection en plus de nos meubles dans un salon de design contemporain à New York. Une journaliste du New York Times a été complètement emballée par l’un de nos lits pour enfants et l'a publié sur la page d’accueil de leur site. Le succès a été immédiat et nous en avons vendu un container avant même de savoir où et comment fabriquer !

Qu’en est-il de la partie accessoires et vêtements que l’on trouve aussi chez ŒUF ?

Il faut savoir qu'à l'époque, à New-York, en matière de choix de vêtements pour enfants, il y avait, soit la boutique Bonpoint, très jolie mais classique et relativement chère, soit des marques de sportswear peu attrayantes. C'est à ce moment là que j'ai rencontré Patricia, une bolivienne qui fabriquait des petits accessoires tricotés pour aider sa communauté. En Bolivie, tout le monde tricote et ce savoir-faire incroyable se transmet de génération en génération...

Elle travaillait l'alpaga, que j'adore, et nous avons commencé à en discuter.
Elle avait du mal à vendre ses créations et m'a demandé mon avis. Je trouvais la matière première merveilleuse: douce, hypoallergénique, renouvelable, etc. Je lui ai donc proposé de créer une petite collection qu'elle pourrait ensuite exploiter et vendre comme elle l'entendait. A partir de ses produits, j'ai enlevé certains éléments, simplifié les formes et changé les couleurs... Toujours dans l'idée d'une collection complète pour ma fille. Finalement elle m'a demandé si je pouvais m'occuper de la vente et designer d'autres pièces. Nous avons commencé avec quatre tricoteuses. Aujourd'hui, nous en avons plus de quatre cents, en Bolivie !
C’était un peu laborieux au début car les modèles n'étaient pas tous au point. Ce parcours, assez dur, nous a tous beaucoup appris.

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Vous êtes-vous rendue dès le début en Bolivie ?

Oui, j'y suis allée très vite, avec mes enfants tout-petits. Un vrai travail de collaboration s'est mis en place petit à petit et j'y vais désormais deux fois par an. Sur place, je travaille jusqu'à 12 heures par jour. L'environnement et les femmes sont une grande source d'inspiration pour moi. Les Boliviennes sont toujours enthousiastes et prêtes à partir à l'aventure : lors de mon dernier séjour, nous sommes allées dans les montagnes faire des photos avec des lamas, c'était merveilleux.

Comment se met en place une collection ?

Il y a une collection d'hiver et une autre d'été, avec souvent un thème un peu dans l'air du temps. La collection automne-hiver 2015 s'inspirait des légumes, avec une petite note d’humour…

L'humour tient une place importante dans votre travail, comme par exemple ces chaussons qui représentent des pieds d'animaux. Un esprit que l'on retrouve dans chaque collection ?

Exactement, c'est vraiment fait pour les enfants. Je fais toujours partie de leur monde et je suis complètement dans mon élément dans cet univers. Je reçois beaucoup de courriers de parents ravis qui me disent comme les enfants aiment nos collections. Il ne s’agit pas de se déguiser mais de s’amuser et prendre plaisir à s'habiller.

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Comment vous répartissez-vous le travail avec votre collaborateur et mari Michael Ryan ?

Nous faisons tout le design ensemble, mais Michael s’occupe plus de la partie pratique et logistique. (Il vient justement de rentrer de Lettonie où nous faisons fabriquer nos meubles.)

Est-ce facile de monter un business aux Etats-Unis et quel regard portez-vous sur ce pays ?

New-York est vraiment une ville à part... Je ne suis pas sûre de pouvoir vivre ailleurs aux Etats-Unis. C’est très cosmopolite, avec beaucoup d’écoles françaises, y compris dans mon quartier. Dans l’ensemble, j’aime l’esprit bon enfant des américains, leur enthousiasme et leur énergie.
Ils sont toujours partants ! On peut se réinventer et changer de métier 15 fois sans que cela ne pose le moindre problème. Il est même presque suspect de ne pas tenter de nouvelles choses… J’ai quant à moi beaucoup de plaisir dans mon métier, j’implique mes enfants dans cette entreprise familiale et je travaille avec des gens formidables : notre équipe à New York mais aussi ces femmes en Bolivie et au Pérou où je démarre de nouvelles collaborations.

Pouvez-vous nous parler de ces nouveaux projets ?

Encore une fois, cela a commencé par des rencontres, au Pérou. C’est ainsi que j’ai démarré une collection de layette en coton de Pima tressé, très doux, biologique et hypoallergénique.
J’ai également fait la connaissance d’une femme qui avait un atelier de tissage à côté de mon hôtel. Ensemble, nous avons créé une collection de tapis. J’aimerais aussi retourner à la céramique et, toujours au Pérou, nous avons trouvé un atelier et rencontré des artisans avec qui nous partageons les mêmes valeurs et la même façon de travailler, ce qui est très important pour nous. Nous réalisons aussi des mobiles, une collection de linge de lit et de nouveaux meubles (que l’on présentera en octobre lors d’un salon à Las Vegas). Et puis nous avons envie de travailler avec d’autres designers afin de mettre en avant de nouveaux talents et la vision d’autres artistes.